La ville européenne
et son évolution
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Le boulevard Armand Fallières
(CPA - LL n°129 - Coll. Ch. Attard)

Quittant les quartiers Nord de la ville où bien plus tard furent créés les recasements et revenant vers le port, entre ce dernier et les remparts, nous trouvions plusieurs bâtiments administratifs et officiels. 
Le boulevard Armand Fallières
(aujourd'hui boulevard Mohamed V) débutait ainsi avec le vaste local des Postes et Télégraphes. Cette artère qui longeait les quais, était parallèle à l'avenue Léon Mougeot (avenue Habib Thameur). et au Boulevard Émile Loubet (aujourd'hui avenue Mohamed Ali) qui passait lui aux pieds mêmes des remparts.  Le Grand café glacier installé au début de ces trois belles rues et des nouveaux quartiers qui furent gagnés sur la mer, jouissait d'une position centrale où le spectacle sur le port était unique. Il était l'un de ces très grands cafés qui s'installèrent avec profit à Sousse à la suite de l'arrivée des tirailleurs et presque en même temps que le nouveau port. 

Le Grand Café glacier
(CPA - LL n°67 - Coll. Ch. Attard)

A ses côtés, le grand bar du Sahel, appuyé sur les remparts, ferma vers 1905.
La vie nocturne de Sousse appelait ce genre d'établissement. Le café Bellevue avait-lui aussi la faveur d'ouvrir sur le port et la mer offrant le confort de ses sièges et l'agrément de la vue à ses nombreux clients.

Le Grand Café glacier et le Grand bar du Sahel
Source : "Regards sur l'architecture et la population en Tunisie" 
de la Detroit Photographic Company

Ce nouveau quartier de la ville grandit très vite, là se construisirent les maisons les plus belles et les plus confortables, s'installèrent les plus beaux magasins. Un peu plus loin, s'ouvrait perpendiculairement aux deux artères Mougeot et Loubet la succursale de la Société générale de l'Afrique du Nord.

La superbe façade du Bristol, grosse brasserie, associée au cinéma l'Alhabra dénotait un peu dans l'harmonie architecturale de la ville mais c'était parfaitement volontaire. Le lieu, outre qu'il était au début du vingtième siècle une des plus belles brasseries de la ville, accueillait en soirée divers spectacles ou chanteurs qui venaient s'y produire devant un public nombreux et enthousiaste. Il se partageait à cette époque ce privilège avec le Casino et la salle de l'Umanitâ.

En continuant à remonter le boulevard, on découvrait L'hôtel de ville, belle construction de style néo-mauresque comme bon nombre de ces bâtiments construits très tôt après la réalisation du Protectorat. Il étendait son long corps de locaux entre l'av. Mougeot et le boulevard. 

L'hôtel de ville vient tout juste d'être achevé.
(CPA - LL n°112 - Coll. Ch. Attard)

D'abord logé dans une maison particulière, le grand développement de la ville nécessita dès 1906 la construction de cet ensemble de bureaux et de salles de réunion. 
C'est M. Guy, architecte réputé qui en traça les plans et en assuma le suivi d'une construction confiée aux meilleurs entrepreneurs locaux.
Les salles intérieures magnifiquement décorées de stucs ouvragés, de boiseries ajourées, de vitraux et de mosaïques donnaient un cadre enfin digne aux réceptions qu'organisa la Ville. On devait à M. Régis Petit la réalisation de ces somptueux décors intérieurs.

Là furent reçus avant guerre MM. Doumergue, Lebrun, Daladier.
La ville compta plusieurs maires de renom dont MM. Emile de Villedon, le tout premier en juillet 1884, Gallini françois et son fils Charles, Séraphin Zevaco...

En 1910, avec le réaménagement de la zone portuaire et la disparition du premier musée de la ville, une partie de ses collections fut hébergé dans un nouveau musée abrité dans ces vastes corps de bâtiments.
Très sérieusement atteint par les bombes alliées, comme toutes les constructions longeant le port, il ne pourra être sauvé en 1945.

Intérieur de l'hôtel de ville
(CPA - LL n°141 - Coll. Ch. Attard) 

De part et d'autre de la flouka à droite l'Alhambra et à gauche la Municipalité
(CPA - CAD n°10 - Coll. Ch. Attard)

En poursuivant sur ses pas, on entrait alors dans le quartier de Capaci Piccolo,  en laissant à main gauche la zone du camp d'aviation maritime et en longeant le quai aux hydravions. On l'oublie mais Sousse fut une base importante  pour l'avion postale et maritime. Ainsi le centre aéro-maritime de Sousse accueillait-il une flottille de 26 appareils en 1918 et était la Base la plus importante après Bizerte.

Un hydravion Goliath à quai à Sousse dans les années 20.
(Coll. Ch. Attard)

Ce quartier, surnommé ainsi en souvenir de la ville d'origine (Capaci en Sicile) de bon nombre de ses habitants, regroupait des familles à revenus modestes. Travaillant pour la plupart dans les activités de la pêche, de l'artisanat ou du commerce, les capaciote avaient recréé dans leur quartier une partie de l'ambiance vivante et chaleureuse des villes de Sicile. 

La petite flottille de pêche  de Capaci Piccolo
(CPA - LL n°80 - Coll. Ch. Attard)

Bercés par le ronflement incessant de l'usine électrique, tout ce petit monde se retrouvait à la porte des écoles du quartier, à la grand messe du dimanche, sur les stades de football autour d'homériques parties opposant la Patriote aux autre équipes de la ville ou du pays. Les rues de Rome, Garibaldi, de Messine ou de Trapani étaient là pour rappeler ces origines italiennes au visiteur qui ne l'aurait pas compris à l'accent ou à la faconde des riverains croisés sur les pas de porte ou les commerces.

Le quartier sud : Capaci Piccolo -Cliquez sur l'image pour voir un agrandissement.
(CPA - LL n°120 - Coll. Ch. Attard)