L'intervention française

Le bey de Tunis, Mohamed Es-Sadok Bey, son premier ministre Mustapha Khaznadar
et les fonctionnaires du palais.

A la veille de l'intervention française, la Tunisie est un pays gouverné par un Bey et ses mamelouks. Se souciant fort peu du bien-être de leur population, ils surtaxent le pays : mejba, achour, canoun, caroube (impôts directs) mahsoulâts, droits de douanes  sont autant d'impôts non équitablement répartis et perçus auxquels vient s'ajouter une pratique abusive de l'usure sur les plus démunis.
Mustapha Khaznadar, premier ministre de 1837 à 1873 et responsable des finances emprunte sans compter et endette le pays au point qu'il ne peut rembourser sa dette et doit accepter la tutelle d'une commission financière internationale, composée de français, anglais et italiens.

La Tunisie occupe d'autre part une position stratégique en Méditerranée et le port de Bizerte en est la clef. En dehors de visées stratégiques, l'ouverture de nouveaux marchés attire les ambitions européennes vers la Tunisie. L'Italie considère avoir des droits "historiques" sur un pays où ses ressortissants sont nombreux.

Le consul anglais Richard Wood obtient  en 1871 pour la compagnie anglaise "The Tunis railways company" la concession d'une voie ferrée Tunis-La Goulette puis La Marsa qui sera finalement rachetée par l’Italien Raffaële Rubattino en 1880 avec le soutien du gouvernement italien pour le compte de la "Compagnie génoise de navigation".

Richard Wood,
Consul d'Angleterre à Tunis 
de 1855 à 1879

Théodore Roustan,
Consul de France à Tunis, puis ministre résident 
de 1874 à 18
82

Licurgo Maccio,
Consul d'Italie à Tunis 
de 1878 à 18
81

Le consul de France à Tunis, Théodore Roustan, conscient des visées italiennes, réussit de son côté à obtenir la concession des chemins de fer de la Medjerda en faveur de la Société de construction des Batignolles qui la cède ensuite à sa filiale la Compagnie des chemins de fer Bone-Guelma
Cette compagnie obtient la concession des lignes Tunis-Sousse en 1880 et Tunis Bizerte.
En 1879, la Société marseillaise de Crédit fonde la Société franco-tunisienne de crédit et achète le domaine de l'Enfidha au ministre Khéreddine, soit plus de 100 000 hectares entre Tunis et Sousse.
Des accords secrets entre britanniques, allemands et français au lendemain du congrès de Berlin assurent à la France la neutralité bienveillante des gouvernements allemands et britanniques en cas d'intervention en Tunisie.

Jules FERRY (1832-1893

Un guerrier khroumir

Des combattants français

Mais le gouvernement français tergiverse. Sous la pression des milieux d'affaires, en février et en avril 1881 Jules Ferry, Président du Conseil se décide à agir prétextant l’incursion en Algérie, en février et surtout fin mars 1881, de tribus khroumirs insoumises de la Régence de Tunis. 
Trois divisions franchissent la frontière algéro-tunisienne en avril, le 26 le Général Logerot entre au Kef et le 2 mai la division navale du Levant, préparée dans le plus grand secret, débarque à Bizerte les brigades des généraux Mourand et Bréart. 

Le général Bréart, arrivé aux portes de Tunis, obtint par l’intermédiaire de Roustan, une entrevue avec le bey et lui fit signer le 12 mai 1881 un traité dit du Bardo par lequel la France garantissait l’intégrité du territoire et obtenait le droit d’occupation pour assurer l’ordre intérieur. Ce traité fut approuvé par la Chambre des députés par 430 voix contre une (celle de Talandier, un député radical socialiste).

Le Consul Roustan présente le Général Bréart au Bey.

A la veille des élections générales en France, Jules Ferry veut que l'affaire tunisienne se règle rapidement et rappelle la plus grande partie des troupes françaises, 15 000 hommes restent sur place. 

Refusant le traité du Bardo établissant le Protectorat français en Tunisie, des tribus se réunirent principalement autour de Kairouan. Malgré une tranquillité apparente, leur idée de rébellion se propageait. A Sousse, les navires français ramenaient dans leur caserne les soldats du Bey, déserteurs malheureux. Des militaires partaient à le recherche de déserteurs, des saboteurs imposant en cas d'insuccès de lourdes amendes à la ville qui devaient nourrie et payer ces troupes. A Sfax, autour du caïd de Nefta, Ali ben khlifa la résistance commence à s'organiser.

Marabouts prêchant la guerre sainte.
(
Gravure parue dans le journal "L'illustration" n°2016 du 15 octobre 1881 - Coll. G. Bacquet)

Le 28 juin le signal de la révolte fut donné par le commandant de la place, Mohamed Chérif, poussé par Ali ben Khlifa, grand meneur de toute l’affaire, les plus fanatiques se répandirent dans les rues en prêchant la guerre sainte contre les infidèles. Les Européens du quartier Franc fuirent en prenant place dans des embarcations. Le gouverneur de Sousse, Mohamed Baccouche tente l'apaisement sans succès, il essaiera alors que les navires français bombardent la ville dès le 15 juillet de faire cesser l'attaque en vain également.