La culture

Un préjugé bien arrêté voudrait, lorsque l'on discute de la vie culturelle en Tunisie, que celle-ci ait été quasiment nulle.
En se replongeant dans les articles de presse écrits durant la période qui nous préoccupe, il est vrai que certains rédacteurs se plaignaient du manque de diversité de la vie culturelle de la ville ou du fait que les grands chanteurs, les compagnies théâtrales ne se hasardaient pas dans le Centre ou le Sud du pays. Ces appréciations restent toutefois à pondérer car avec le temps, les activités se multiplièrent en tout cas dans les principales grandes villes de Tunisie.
De très nombreuses associations culturelles souvent créées par une communauté du pays (italiens, juifs ou français) proposaient leurs activités à leurs membres

L'hercule sur la place
(Photo privée - Coll. Ch. Attard)

Parfois un cirque faisait halte dans la ville, italien le plus souvent, il offrait la plus grande joie aux habitants quelque soit leur origine. Les autochtones plus que les européens ouvraient de grands yeux aux mimiques d'un clown vêtu de noir à l'habit constellé de rats blancs, aux chiens dressés et aux voltiges d'une écuyère sur un cheval famélique.

Les soussiens de la fin du XIXème siècle applaudissaient aussi aux pantomimes burlesques de "Karakouz". Ces spectacles de théâtre d'ombre étaient tolérés en périodes de Ramadan. Un acteur utilisant des pantins articulés par des tirettes de bois jouait plusieurs saynètes mettant en vie des parties de pêches, des disputes de quartier, des scènes conjugales... Utilisant toutes les ressources de son talent et des jeux d'ombres variés, il parvenait avec très peu de moyens à faire rire aux larmes son public.
Le terme "Karakouz" est d'ailleurs resté pour signifier de quelqu'un qu'il ressemble, ou fait ce qu'en France on aurait qualifié de "guignol" !

Au Casino, rue Ali-bey se produisirent Renée De Lys, une chanteuse, Darfleur et Lucette de Valois, comiques et l'écrivain Juliette Lacroix, tous oubliés aujourd'hui. Des spectacles se tenaient aussi au Grand café Glacier. 
Les représentations théâtrales ou d'opérettes avaient lieu dans la salle de l'Umanitâ qui s'appelât  pompeusement théâtre de Sousse ou Théâtre Municipal. Les spectacles y étaient donnés mais à la condition de passer contrat avec les administrateurs de la salle ce qui ne se fit pas lors d'une tournée de la grande actrice Lina Munte qui dut renoncer à se produire à Sousse à la grande colère de tous ceux qui l'attendaient.

Lina Munte (cliché Nadar)
Des troupes théâtrales arrêtaient parfois leur tournée à Sousse. Ce fut le cas de la troupe Manrick.
En 1904, M. Alexandre Fichet, un professeur de dessin de Tunis créa une compagnie théâtrale d'amateurs  nommée  "l'Essor". Cette association dépendit d'abord de l'assistance Mutuelle Tunisienne puis en 1910 adhéra au "Théâtre pour tous"  et se produisit également à Sousse avec un franc succès. 
L'Essor ne se limita pas à des représentations théâtrales : Conférences, débats, formations, bals étaient aussi à son programme. Elle joua notamment à Sousse deux pièces de Courteline.

Des tournées eurent aussi lieu en langue arabe et la troupe égyptienne de Souleymane Kardahi, un syrien de confession chrétienne donna la représentation d'une de leur pièce :  Slah-Eddine Al Ayoubi (Saladin), un drame historique en cinq actes de Néjib El Haddad le 12 décembre 1908. La troupe, très bien accueillie ne put cependant donner : "Joseph vendu par ses frères " et resta à Sousse jusqu'au 28 décembre.

La troupe tuniso-égyptienne qui se créa en juin 1909 après  la mort prématurée de Kardahi se composait des acteurs de Kardahi et de jeunes tunisiens d'un groupe nouvellement formé "l'étoile" parmi lesquels figurait Mohamed Bourguiba, le frère du futur Président. 
Ayant recruté d'autres acteurs égyptiens dont Brahim Hijazi, les tournées commencèrent en Tunisie et connurent un vif succès. Ils furent à Sousse en octobre 1909 pour interpréter le "Joseph vendu par ses frères " qui n'avait pu l'être en 1908 et "Saladin".

Des revues à grands spectacles, écrites parfois en Tunisie même, comme ce "Cinéma-Sousse" de Félix Flack furent jouées en ville.
Des conférences étaient aussi données, en général dans la salle du Casino, les thèmes en était infiniment variés. La ville disposait d'une section locale  de la Société Républicaine des Conférences Populaires.