La communauté arabe

Jeune fille arabe
(CPA - ND Photo n°403 T - Coll. Ch. Attard)




On cherchera en vain dans les récits des voyageurs de la fin du XIXe siècle des descriptions détaillées des différentes communautés de la ville de Sousse. Leur approche reste, pour la plus grande partie d'entre eux, purement anecdotique et donc centrée sur les causes d'étonnements propres à intéresser leurs compatriotes restés en Europe.
Journalistes, écrivains et hommes politiques développent quant à eux des vues particulièrement indigentes et parfois bien éloignées des fondements déclarés du Protectorat ainsi Jean Louis de Lanessan (1843-1919), député libre-penseur, franc-maçon et radical écrit-il dans son ouvrage "La Tunisie "  :

"Ce qui domine en Tunisie, ce n'est pas l'Arabe pur, mais le Maure , c'est-à-dire un type créé par le mélange , depuis un grand nombre de générations, du sang arabe avec celui de toutes les races et variétés humaines qui bordent la Méditerranée. Les Maures forment avec les Juifs, dont l'origine n'est pas moins obscure, la presque totalité des populations des villes. Ces deux catégories d'indigènes, très semblables par les caractères physiques, ne se distinguent que par la religion, par les habitudes sociales qui en découlent et par le genre d'occupations auxquelles ils se livrent, les Maures étant propriétaires, fermiers et commerçants, tandis que les Juifs font partout le trafic de l'argent."

Ces vues simplistes, teintées de ce que nous qualifierions aujourd'hui de racisme, n'étonnaient pas grand monde vers 1880. 

Notre intention n'est pas ici de décrire ce que furent dans leurs profondes réalités ces différentes communautés mais plutôt de tenter de les retrouver telles que les perçurent leurs contemporains entre 1881 et 1956. Comprenant bien qu'en ce laps de temps et fort heureusement les perceptions primaires des débuts du protectorat changèrent.

Les commerçants de la pace Rahba
(CPA - CAP n°24 - Coll. G. Ellul)

La population tunisienne à Sousse vivait essentiellement dans la médina ou, pour les plus aisés, dans des maisons traditionnellement entourées de jardins (les j’nens) dans les quartiers périphériques (les r’bats). 

Femmes tunisiennes dans leur intérieur.

Mais très peu d'européens avaient pénétré dans l'intimité des familles tunisiennes et leur manière de vivre réelle échappait à leurs observations. Seules quelques familles aisées avaient laissé entrevoir leurs lieux de vie au cours de réceptions ou de très brefs reportages. 

Une famille tunisienne.
(CPA - ND n°591T - Coll. Ch. Attard)

Aussi, la grande majorité des descriptions tient-elle bien souvent plus du fantasme que de la réalité. Nombre de "scènes de la vie tunisienne" virent ainsi le jour et les peintres et photographes orientalistes recomposèrent des intérieurs qui ne furent que trop souvent imaginés.

Tunisiens aisés dans leur intérieur.
(CPA - ND n°203T - Coll. Ch. Attard)

Il était dès lors beaucoup plus aisé de décrire cette communauté par son apparence vestimentaire,  son activité professionnelle ou religieuse. Mais là encore, rare sont ceux qui étudièrent tous les particularismes locaux des costumes par exemple et entrèrent dans le secret de certaines pratiques inconnues du monde occidental.

Les tenues vestimentaires

Dans la rue, type d'habillement au quotidien ver 1920
(CPA - ND n°10 - Coll. Ch. Attard)

Les hommes étaient, dans leur grande majorité, vêtus à Sousse de façon traditionnelle, portant la djebba, en soie pour l'été, en drap pour l'hiver, dessous un pantalon court, une chemise et un gilet farmla ou badia, brodés pour les plus riches.
Ils sont protégés en hiver par leurs burnous et couverts de la chéchia. 
Cette tenue de base connaissait cependant de nombreuses variantes en fonction de la profession ou de la position sociale de la personne.

 


Après 1944, de plus en plus de tunisiens, surtout les jeunes qui fréquentaient les collèges de garçons, s’habillèrent à l’européenne. Ils se distinguaient ainsi des "vieux tunisiens" fidèles à leur tenue et cherchaient à s'intégrer dans des professions où ce costume traditionnel aurait été peu apprécié de leurs supérieurs européens.

Quant aux femmes, elles ne sortaient que voilées, portant à Sousse un maillot et un ample voile noir, l'adjar leur enveloppant la tête et le haut du corps, le plus souvent la Mlahfa noire également les couvre de la tête aux pieds. Contrairement aux hommes, cela perdura jusqu’à l’indépendance et aux lois sur le statut des femmes édictées alors par le Président Bourguiba.
Cette tenue noire impressionna beaucoup les premiers européens qui visitèrent la ville. 

Les femmes citadines de Sousse accrochaient à leurs oreilles à raison de trois boucles à chaque oreille, 6 boucles. semblables. Chacun porte le nom d'ounisa et la série se nomme teklila.

Rue de la Casbah 
(CPA - CAD n°22 - Coll. Ch. Attard)

A noter cependant que les tunisiennes employées, en tant que personnel de maison (femmes de ménage, gardes d’enfants), dans les familles européennes, y travaillaient en portant une tenue simple, avec tout au plus un foulard discret retenant les cheveux.

La nounou de l'auteur de ce site ! 
(Coll. Ch. Attard)